Colloque CNFF, Conciliation vie professionnelle, vie familiale
Palais du Luxembourg, à Paris – Jeudi 8 octobre 2009
Intervention sur le thème: nouvelles technologies au service de la conciliation vie familiale, vie professionnelle
Mesdames et Messieurs, bonjour
Je m’appelle Dominique Dupuis et je suis directrice de la recherche au CXP. Le CXP est une entreprise dont l’activité est d’aider les entreprises à choisir des progiciels de gestion. Dans ce cadre, j’observe et j’analyse ce qui est proposé sur le marché pour les entreprises. Aujourd’hui, je vais évoquer avec vous ce que ces nouvelles technologies peuvent apporter pour favoriser la conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle, notamment au travers de l’extension du télétravail.
Les nouvelles technologies sont comprises par le plus grand nombre au travers de ce que l’on voit : un foisonnement de nouveaux appareils, des téléphones, des ordinateurs, des baladeurs de toute nature. Ces appareils permettent des usages variés : téléphoner bien sûr mais aussi prendre des photos, écouter de la musique, consulter ses mails, rechercher de l’information, consommer…
Derrière ce que l’on voit se sont développées de nouveaux modes de connexion, appelés des Web services, qui relient intelligemment des applications gérées par des entreprises différentes. Ces nouveaux modes de connexion permettent des usages combinés sans multiplier les points d’accès. Par exemple, je peux commander pour un voyage mon billet de train ou d’avion, ma chambre d’hôtel, mais billet de métro pour la ville, où je compte passer quelques jours et même des billets d’accès aux musées dans cette ville sur un site Web unique. Sur ce site et grâce aux Web services, les informations de disponibilité dans le train, dans les hôtels etc. sont connues en temps réel. Ce type de fonctionnement est également utilisé pour des applications de gestion de conciergerie d’entreprise qui peuvent alors proposer un bouquet de services qui seront pris en charge par des entreprises partenaires ayant leur propre système d’information, leurs propres outils de gestion.
Ces usages du Web sont aujourd’hui familiers au plus grand nombre. Pourtant dans les milieux professionnels, les applications de gestion ne sont pas toutes accessibles via le Web. Les versions les plus récentes permettent un accès à distance mais il faudra encore quelques années avant que toutes les entreprises en soient équipées. Cette modernisation du système d’information des entreprises est importante puisqu’elle permet à un utilisateur qui travaille hors de l’entreprise d’avoir accès à son outil de travail « comme s’il était présent à son bureau ». Cette possibilité existe déjà mais elle est souvent réservée à certains types de postes, notamment des cadres, des commerciaux ou des techniciens itinérants. La généralisation de l’accès Web au système d’information de l’entreprise ouvre donc des opportunités élargies de mise en place de télétravail.
Le télétravail, aujourd’hui, est souvent confondu avec travail à domicile. Ainsi, sur le site télétravail.fr, il est précisé qu’il suffit d’un domicile et d’un minimum d’équipement informatique pour devenir télétravailleur. De la même façon la société Renault qui pratique le télétravail depuis début 2007 indique que 6 % des salariés ont opté pour travailler à domicile quatre jours sur cinq.
Une définition intéressante est celle d’un télécentre ou centres de télétravail (voir le site du réseau des télécentres par exemple). Un télécentre est un espace équipé permettant de disposer d’un bureau privatif et de lieux communs. Des équipements connectés sont proposés pour accéder à distance aux applications de l’entreprise et/ou participer à des réunions. Ces lieux de travail peuvent être des lieux permanents ou occasionnels, un bureau de passage voir un lieu de rencontre. Ils peuvent être loués à la journée, à la semaine ou au mois, par des télétravailleurs, salariés ou indépendants. Ces derniers peuvent habiter à proximité du télécentre alors que leur entreprise est éloignée, ils peuvent être nomades ou fréquemment en déplacement, ils peuvent enfin être indépendants.
Des télécentres, appelée smart Work Centers, sont en cours de construction à Amsterdam. Sponsorisé par CISCO et lancé en septembre 2008, ce projet, concerne l’une des zones urbaines les plus congestionnées au monde. Outre un lieu de travail partagé et proche du domicile, ces Work Centers proposent des services sur place : crèche, cafétéria et restaurants, services juridiques et bancaires, agence d’emploi.
À Paris, un centre de télétravail existe depuis début 2008. Il s’agit de la cantine située au centre de Paris. Il se présente comme un lieu collaboratif pour les acteurs numériques, un espace de co- Working avec des objectifs de production, tests et diffusions de projets innovants.
Le télétravail peut donc revêtir différentes formes et son développement représente des enjeux importants. Ainsi l’adjointe à l’environnement de la municipalité d’Amsterdam espère que la mise en place des neufs Work Centers permettra une réduction de l’espace de bureaux en centre-ville de 30% !
La situation en France est moins avancée mais l’évolution est rapide. Ainsi, 16 % des entreprises utilisaient le travail à distance début 2007 et elles étaient 22 % début 2008. Globalement, 7 % des salariés français seraient des télétravailleurs. Un chiffre qu’il faut comparer avec la moyenne européenne qui s’établit à 13 % ou avec les pays les plus télétravailleurs : 25 % aux Pays-Bas, 23 % en Allemagne, en Finlande et au Danemark mais aussi plus de 15 % en Italie et au Royaume-Uni.
En France, dans les années 90, le télétravail ou les télés activités ont été soutenues pour développer les zones rurales. On trouve ainsi un article dans un numéro de l’express en 1996 qui évoque la vogue du télétravail : «Assurer un secrétariat ou un standard à distance, c’est possible depuis que les fax, modems et autres outils de communication ont gommé les distances. » Et encore :« Le développement des téléservices fait aussi rêver les maires des communes rurales ».
Aujourd’hui, pour répondre à des ,enjeux financiers compte tenu des prix élevés des bureaux en centre-ville et du coût croissant du transport pour les salariés, à des enjeux d’urbanisme, à des enjeux environnementaux mais aussi à des enjeux liés à nos modes de vie et notamment notre désir de concilier notre vie familiale et notre vie professionnelle, le télétravail est un sujet de réflexion intéressant. Il faut pour cela que l’opportunité présentée par le développement du Web permette le télétravail au plus grand nombre et pas seulement aux cadres, aux commerciaux, aux techniciens itinérants ou au secrétaires qui désirent travailler à la campagne.
Cette extension possible du télétravail n’est pas sans réticences ‘a priori’ est le sujet n’est effectivement pas simple, présentant certainement des freins et des risques. Ainsi l’éloignement de l’entreprise peut entraîner une rupture du lien social direct avec ses collègues et avec son ou ses responsables. L’éloignement peut amener également la crainte de passer à côté d’opportunités d’avancement en se trouvant éloigné des points de décision de l’entreprise. Un deuxième risque est la confusion entre le temps de travail et le temps à soi, surtout si le télétravail est réalisé à domicile.
Du côté des managers, la crainte de perdre le contrôle est souvent évoquée. Et plus globalement, la généralisation du télétravail peut amener des changements de statuts poussant les salariés à devenir des travailleurs en libéral, des consultants ou des auto-entrepreneur et amenant les employeurs à devenir des client ou des donneurs d’ordre.
Ainsi Serge Leroux, vice président de l’association française du télétravail et des téléactivités, expliquait : « C’est une innovation sociale touchant à l’organisation du travail, qui doit évoluer vers une obligation de résultats et non de moyens : le terrain est potentiellement conflictuel pour les entreprises ! ». De même Eric Couté, responsable du travail mobile chez Renault reconnaissait : « Ce type d’organisation demande une maturité du management, qui doit apprendre à gérer ses équipes autrement, mais aussi une maturité des individus qui ont peut-être encore aujourd’hui une réticence à s’éloigner ».
Pour dépasser ces freins, voire ces résistances tenaces, il faut innover, inventer une nouvelle organisation du travail. Bien sûr, un lien physique régulier doit être préservé avec l’entreprise. Le respect du temps de travail est un sujet important qui doit être clarifié entre l’entreprise et ses télétravailleurs et éventuellement assuré techniquement, par exemple sur le modèle du chrono tachygraphe du conducteur routier. Enfin un accompagnement doit être proposé pour les salariés comme pour les managers lors de la mise en place du télétravail.
Concernant l’éloignement de l’entreprise, nous pouvons noter que les projets dans de nombreuses entreprises sont gérés avec des salariés qui travaillent sur des sites voire des pays différents et éventuellement avec des consultants qui ne viendront que très ponctuellement dans l’entreprise. L’éloignement n’est donc pas un obstacle au projet. Concernant le risque de rupture du lien social, la construction de télécentres ou centres de télétravail permet d’aborder ce point d’une autre façon, permettant la création de lien social au sein d’un groupe de personnes qui ne travaillent pas pour les mêmes entreprises mais qui partagent un lieu de travail, habitent si ce n’est dans le même quartier au moins dans la même zone géographique, peuvent partager un moyen de transport…
Par ailleurs, on constate aujourd’hui que la fonction de management se centre sur les performances et les résultats tandis que la fonction ressources humaines, gestion des relations sociales se désagrège derrière des concepts tels que gestion des carrières, des emplois et des compétences etc. qui concernent les cadres à potentiel ou les projets de reclassement du personnel. En parallèle, la nécessité de mobilité non seulement sur les métiers mais aussi sur les entreprises entraîne une nécessité de management, de coaching de la personne tout au long de sa vie professionnelle, ce qui suppose proximité, continuité dans le temps et vision transversale des compétences professionnelles et extra professionnelles, développées par exemple dans une association. L’innovation pour inventer une nouvelle organisation du travail qui propose une nouvelle définition du « lieu de travail » est sans doute une opportunité pour nous adapter aux contraintes du XXIe siècle etpour répondre aux enjeux de ce début de siècle.
En conclusion, je voudrais dire que les nouvelles technologies ouvrent un champ de possibles pour rapprocher le lieu de travail du lieu de vie familiale et pour assouplir le temps de travail. Ce champ doit être investi pour proposer des organisations de travail innovantes qui ne soient pas réservées aux seuls travailleurs qualifiés et autonomes, qui préservent le lien social et qui gardent une distinction entre les espaces et le temps, privés et professionnels.
Je vous remercie
Mme Dominique Dupuis
dominique.dupuis2@gmail.com
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Une présentation powerpoint sur ce sujet est accessible sur le Web
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